Alors que l’année 2024 touche à sa fin, les chiffres des violences sexuelles sur mineurs en Guinée dressent un tableau alarmant. Ce mardi 24 décembre 2024, dans une déclaration, Madame Houray Bah, président de l’ONG Amali et porte-parole des ONG de défense des droits des filles et femmes a partagé des statistiques troublantes tout en lançant un appel pressant aux autorités.
Nous l’avons eu en entretien, réalisé par notre reporter Tenema Doumbouya, Suivez 👇🏿
Moya Guinée : Madame Houray Bah, bonjour.
Mme Houray Bah : Bonjour.
Moya Guinée : En cette fin d’année, vous avez tenu une conférence où vous avez présenté des statistiques préoccupantes sur les cas de viols dans le pays. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mme Houray Bah : Depuis janvier 2024, 221 cas de viols sur mineurs ont été recensés en Guinée. Ces cas se répartissent ainsi : 30 à N’zérékoré, 15 à Kankan, 12 à Labé, 30 à Kindia et 97 à Conakry. Ces chiffres concernent uniquement les victimes qui ont osé porter plainte. Les âges des victimes vont de 4 à 21 ans.
Moya Guinée : Comment sont prises en charge ces victimes ? Les autorités vous soutiennent-elles dans cette démarche ?
Mme Houray Bah : Les autorités apportent un soutien, notamment par le biais de l’OPROGEM, qui enregistre les plaintes et prend des mesures préliminaires. Cependant, leur intervention reste limitée. Une fois les cas transférés à la justice, le suivi et les sanctions deviennent souvent problématiques. Il reste beaucoup à faire, notamment en matière de poursuites judiciaires.
Moya Guinée : Selon vous, quels sont les principaux défis à relever ?
Mme Houray Bah : Il faut appliquer des sanctions exemplaires conformément à la loi. Les auteurs doivent être interpellés, jugés et condamnés de manière visible. Tant que ces actions ne sont pas systématiques, la lutte contre les violences sexuelles restera inefficace.
Moya Guinée : Que pensez-vous du rôle de l’OPROGEM dans ce processus ?
Mme Houray Bah : L’OPROGEM fait ce qu’il peut dans les limites de son mandat : enregistrer les plaintes et transférer les dossiers à la justice. Le problème, c’est le manque de suivi au niveau judiciaire. Trop souvent, les dossiers stagnent ou n’aboutissent pas à des sanctions appropriées.
Moya Guinée : Quelles solutions proposez-vous face à cette situation ?
Mme Houray Bah : Il est crucial que le ministère de la Justice prenne ces cas au sérieux. Une section spéciale dédiée aux violences sexuelles et aux violences faites aux femmes devrait être créée. De plus, la prise en charge psychologique des victimes est essentielle, mais elle reste quasi inexistante en Guinée faute de ressources et de spécialistes.
Moya Guinée : Les ONG peuvent-elles combler ce manque ?
Mme Houray Bah : Nous faisons de notre mieux avec les moyens disponibles. Par exemple, chez Amalie, nous adoptons une approche holistique incluant l’assistance psychologique, bien que cela soit difficile en raison du manque de psychologues formés en Guinée. Avec l’aide de partenaires comme l’ambassade de France, nous avons initié des formations pour réduire cet écart, mais il reste encore beaucoup à faire.
Moya Guinée : Un autre sujet préoccupant est le nombre croissant de viols dans les écoles. Quels messages souhaitez-vous adresser aux fondateurs et encadreurs d’établissements scolaires ?
Mme Houray Bah : Les écoles doivent être des lieux sûrs. Les fondateurs et encadreurs doivent mettre en place des dispositifs stricts pour prévenir les violences. Cela inclut des mesures disciplinaires claires et des règles strictes. Chaque école devrait être un espace où les enfants se sentent protégés, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Moya Guinée : Madame Houray Bah, merci pour cet entretien.
Mme Houray Bah: Je vous en prie.