Le retrait des licences d’exploitation des médias FIM FM, Hadafo Médias et Djoma Médias, ordonné par le ministère de la Communication le mercredi 22 mai 2024, a provoqué une onde de choc dans le paysage médiatique guinéen. Les autorités ont justifié cette décision par le non-respect des cahiers des charges. Toutefois, cette mesure radicale soulève des interrogations profondes sur la conformité de cette action avec les dispositions législatives guinéennes en matière de liberté de la presse et les garanties procédurales associées.
La loi guinéenne sur la liberté de la presse, promulguée en décembre 1991 et révisée par le CNT en juin 2010, établit un cadre précis pour l’implantation, le fonctionnement et le retrait des licences des médias audiovisuels. Donc la fermeture d’un média n’est pas forcément un recule démocratique, une atteinte à la liberté de la presse comme nous entendons souvent. C’est bien possible de fermer un média dans un Etat de droits. Car de même que les autorités sont soumises à la loi, les médias aussi sont régis par des principes à respecter. Selon l’article 28 de la loi sur la liberté de la presse,les entreprises et chaînes publiques de communication audiovisuelle sont établies conformément aux dispositions de l’article 1ère, alinéa 2 de la même loi. Qui disposé : « Tout citoyen guinéen a le droit de créer, de posséder, d’exploiter une entreprise de presse, d’édition et des librairies, un organe de diffusion, d’information, d’idées et d’opinions sous réserve du respect de l’éthique et de la déontologie, de la dignité humaine et des droits de la personne, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensées et d’opinion.
L’exercice de cette liberté ne peut être limité que par la loi pour la sauvegarde de l’ordre public et des exigences de l’unité nationale. »
Donc c’est encore essentiel de rappeler, toute limitation à l’exercice de cette liberté ne peut être justifiée que par la loi pour la sauvegarde de l’ordre public et les exigences de l’unité nationale.
Parlant des procédures de contrôle et de sanction, l’article 39 confère à la Haute Autorité de la Communication (HAC) une autorisation de contrôle général sur les médias, tandis que le contrôle technique des installations relève des ministères en charge des télécommunications. En cas de violation des dispositions de cette loi, la HAC dispose de plusieurs mesures de sanction : l’avertissement, la mise en demeure, la suspension ou le retrait définitif des licences d’exploitation. Cependant, ces sanctions doivent être appliquées de manière transparente et équitable, en respectant les droits de défense des entités concernées.
Le législateur, sachant que la loi donne bien le droit aux autorités de fermer un média, il a été clair sur le droit au recours.
Il est crucial de rappeler que, selon l’article 41 de la même loi, les décisions de suspension ou de retrait définitif des licences sont susceptibles de recours devant la Cour suprême. Ce mécanisme de recours est fondamental pour garantir un examen impartial et protéger les droits des médias contre des décisions potentiellement arbitraires.
Vers une remise en cause de la liberté de la presse ?
Je ne saurais l’affirmer, mais il faut préciser, la suspension des licences de FIM FM, Hadafo Médias et Djoma Médias, si elle est bien fondée sur le non-respect des cahiers des charges, doit impérativement suivre les procédures légales prévues. Mais toute atteinte injustifiée ou précipitée à la liberté de la presse représente une menace directe à la démocratie et à la pluralité des opinions en Guinée.
Il est impératif que les autorités guinéennes, tout en veillant au respect des obligations légales des médias, garantissent également le respect des principes fondamentaux de la liberté de la presse. Le recours à la justice par les médias concernés est non seulement un droit, mais aussi une nécessité pour la transparence et la crédibilité du processus décisionnel. La société civile et les défenseurs des droits de l’homme doivent rester vigilants et actifs pour assurer que les décisions prises respectent scrupuleusement le cadre légal et les principes démocratiques. Mais pas la démocratie selon ce qui m’arrange, plutôt la démocratie selon les principes édictés par le législateur.
La liberté de la presse, loin d’être un simple slogan, est un pilier essentiel de toute société démocratique. La Guinée, en tant que nation aspirant à la démocratie, doit protéger ce pilier avec la plus grande rigueur et le plus grand respect des lois établies.
Abdoulaye Camara Journaliste à Bonheur FM